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Culture

L’urgente nécessité pour les élèves du Secondaire de revisiter les trois romans de Jacques Stephen Alexis Noir/mulâtre, créole/bossale, citadin/paysan.

C’est un pays de contraste énorme. Cela crée une différenciation poussée entre les groupes sociaux. Les mulâtres, créoles, citadins (représentés aujourd’hui comme « nèg rich « nèg rich, nèg wouj, nèg lavil ») considèrent les noirs, bossales, paysans comme des sous-hommes. Cette inégalité est transmise dans notre système éducatif. En effet, les fils des gens riches et citadins fréquentent presque toujours les meilleurs établissements scolaires que les enfants des familles pauvres et rurales. En plus, à l’école, les jeunes reçoivent une éducation individualiste ajoutée à certains dictons populaires comme « chak koukouy klere pou je yo », « depi nan ginen nèg pat vle wè nèg » qui véhiculent cette posture égocentrique.

Ces dissimilitudes mélangées avec cette éducation égoïste compromettent tout front commun pour un redressement de la barque nationale.

De ce fait, les écrits qui prônent la solidarité devraient être vivement encouragés dans notre scolarité pour contrecarrer l’assaut de l’individualisme chez les élèves. Étant communiste, trouve-on dans les romans et autres récits de Jacques Stephen Alexis des exemples de fraternité qui peuvent être enseignés dans le Secondaire en Haïti ?

Pour répondre à cette question, on va passer en revue particulièrement les trois romans de l’auteur ainsi qu’un aperçu sur ses autres récits. À noter que, pour ce qui a trait à notre analyse, nous la limitons aux actions de trois personnages : Hilarion Hilarius dans Compère Général Soleil, Gonaïbo dans Les arbres musiciens et enfin, El Caucho dans L’espace d’un cillement.

Sympathiser avec les autres

Compère Général Soleil campe les rencontres faites par Hilarion avec Pierre Roumel, le Dr Jean-Michel, Paco Torres et Domenica Betances qui lui est toujours avantageuse et simultanément bénéfique pour les autres. Grâce à la rencontre avec le premier personnage précité, idéologue communiste, mis en prison en raison de son engagement politique, le romancier nous montre comment Hilarion est parvenu à se forger une conscience de soi.

De surcroît, Hilarion va être malade. Et c’est le Dr Jean-Michel, dont sa profession libérale  aurait pu l’éloigner du milieu ouvrier, qui va lui administrer un traitement médical approprié pour connaitre un retour à la vie.

Sur ce point, Compère Général Soleil n’est pas l’unique œuvre de l’auteur qui raconte le rapprochement intime entre les médecins et le milieu populaire. Les arbres musiciens décrit les soins qu’accorde le Dr Florencel aux gens de la localité. Également, L’espace d’un cillement nous présente le Dr Chalbert qui joue du “banjo” pour ses amis, prolétaires, dans un bar de la capitale.

En dernier ressort, la rencontre d’Hilarion avec Paco Torres et Domenica Betances a éclairé ses choix. L’humanisme qu’il acquiert de ces rencontres le porte à dénoncer les injustices. Il a surtout été impacté par la résistance du peintre révolutionnaire Domenica Betances, de la République d’Haïti à la République Dominicaine, qui embrasse plusieurs causes (cacher des tracts pour le militant Jean-Michel, défendre l’une de ses collègues, …), au risque de perdre son emploi.

Dans les écrits de Alexis, on dénote un certain rapprochement de classe. Cela devient fort intéressant pour être enseigné au niveau secondaire.

La compassion pour les autres

Dans le deuxième roman de Alexis, on voit surtout l’empathie qui est l’une des manifestations de son éthique. Au fait, on peut constater que malgré Gonaïbo avait assuré à sa mère qu’il se garderait de tout contact humain, il a fini par prodiguer des traitements à Carles Osmin après avoir pris pitié par le regard et le toucher de l’état de ce personnage accidenté.

Le jeune prodigue va accepter aussi après hésitation de supporter Bois d’Orme Létiro, le grand prête du vodou, pour lui permettre de récupérer tous les objets cultuels qui attendaient leur saccage. Ses stratégies prodiguées au hougan étaient exécutés à merveille.

En fin de compte, on voit aussi que l’empathie de Gonaïbo s’étend à l’animal en l’occurrence avec Zeb, sa couleuvre.

La participation dans la vie de l’autre

Le dernier roman de Alexis retrace comment El Caucho autrefois très solitaire comme Gonaïbo parvient à devenir très solidaire avec ses camarades ouvriers, grâce à l’héritage que lui a transmis Jesus Menendez. C’est ce dernier qui “ (…) [lui] a montré à aimer, à sentir palpiter un cœur humain, à rire, à se battre, à s’élever, à souffrir, à étudier, à se dépasser, à croire, à vivre et à participer à tout ce qui vit. (…)” (p.107).

Cet amour de l’autre développé chez El Caucho va lui permettre de sympathiser avec les prostituées du Sensation-bar puisque pour lui la prostitution est le reflet d’une inégalité sociale, de l’aliénation voire de certaines formes d’addiction. C’est ainsi qu’il va avoir une franche amitié avec Luz-Maria qui lui a proposé auparavant de devenir son souteneur ; mais il a refusé. Après, toujours en fréquentant le même espace, El Caucho va entrer dans la vie de la prostituée La Niña Estrellita afin de lui permettre de s’attaquer à la cause de son trouble qui se trouve dans le temps passé.

Altérité, une philosophie de vie présente chez les Haïtiens

Aujourd’hui, malheureusement, la nation haïtienne est déchirée en mille morceaux. Pourtant, elle était autrefois le symbole de l’union. Une union qui lui a permis de sortir du joug de la colonisation. Aussi, Alexis ne cesse-t-il de vanter dans ses écrits l’esprit de vivre-ensemble, d’entraide chez les haïtiens. Tout ceci peut convaincre les élèves que si le peuple haïtien retourne à la case de départ en se dépouillant du vieux costume taillé par l’occidental sur lui, il peut emprunter la voie du progrès et de la fraternité.

Tout bien considéré, les trois romans et autres récits de Alexis exposent le cheminement dans lequel l’autre est la mesure du soi et que l’un ne va pas sans l’autre. L’auteur nous emmène à une intersubjectivité et à un jeu entre individualité et collectivité. Ainsi, ses écrits (à l’exception de ceux polémiques et politiques qui demandent un plus haut niveau académique) devraient constituer une lecture fondamentale pour les élèves du Secondaire afin qu’ils acquièrent la leçon de solidarité, indispensable pour l’avancement du pays.

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À rappeler que Jacques Stephen Alexis est né aux Gonaïves le 22 avril 1922 avant de porter disparu en avril 1961 dans le Nord-Ouest d’Haïti dans la fureur de la grande frénésie du régime sanguinaire de François Duvalier. En fait, l’année dernière c’était le centenaire de naissance de ce grand auteur. L’un des plus grands écrivains de la littérature haïtienne, opposant farouche à la dictature de papa doc, médecin de formation, penseur de renommée internationale, Jacques Stephen Alexis était célèbre surtout pour son engagement politique et pour le réalisme merveilleux qui traverse ses œuvres littéraires.

Jonathan GÉDÉON, Étudiant finissant en Sciences Économiques et en Sciences Comptables

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