Société

Les Forts Jacques et Alexandre désormais zone de non-droit, sont pourtant riches en potentialités touristiques.

La route principale menant au parc national forts Jacques et Alexandre est prise en otage depuis un certain temps par des bandits armés. Ce site, qui jadis représentait un pôle d’attraction pour le tourisme local, est devenu un espace fantôme presqu’inacessible au grand public.

Un sacré coût dur pour le patrimoine national qui  souffrait déjà d’une mauvaise presse internationale.

Par son histoire et son symbolisme, le site « Forts Jacques et Alexandre » pourrait être un véritable pôle de croissance pour le pays. Cependant, depuis un certain temps, cet espace très fréquenté autrefois, n’est que l’ombre de lui même.

Bien avant même cette situation sécuritaire, le site, dépourvu de structure administrative, de personnels d’entretien et de services de sécurité, était déjà dans un état très déplorable. En plus d’une situation sanitaire catastrophique qui saute aux yeux, certaines parties du parc endommagées lors du séisme de 2010, n’ont toujours  pas été réparées.

Tout ceci traduit l’indiférence totale des autorités étatiques par rapport à ce parc dont la valeur semble, de toute évidence, être sous évaluée.
L’interrogation qu’une telle considération soulève est bien évidemment, comment revaloriser le parc national forts Jacques et Alexandre ? Pour répondre à cette question, on va d’abord établir la valeur octroyée à ce parc. Ensuite, on verra toutes les ressources de cet espace avant de proposer de nouvelles manières de les interpréter. En outre, on déterminera est-ce que les Autorités doivent garder l’architecture du parc ou la restaurer. Étant donné que l’État ne s’est pas trop engagé dans la maintenance du parc, ainsi voyons-nous, à la fin, les enjeux liés à la patrimonialisation de ces lieux.

Importance du site aux yeux des habitants de la zone et de ses visiteurs

La valeur d’un parc dépend de la façon dont les citoyens qui vivent dans ses environs l’approprient et de sa représentation faite par ses visiteurs. Quant à l’appropriation du site par les habitants de la zone, Jean Roberson Exantus nous a révélé que « Pour 20% de la population, le site représente un symbole historique. Ils en sont fiers et ils se sentent privilégiés. » De plus, il a mentionné que « 37% de la population considère l’espace comme un refuge contre l’ennui et la fatigue[…] et un lieu pour chasser leur stress […] ». Plus loin, l’étudiant d’alors nous a révélé que pour 41% des enquêtés, Fort Jacques est un « nihil ». Ces derniers n’ont aucune appartenance et considération pour l’espace. Au contraire, ces citoyens critiquent l’espace. Certes, cette étude est menée exclusivement sur le fort Jacques, mais on pourrait étendre ses résultats sur le fort Alexandre. D’ailleurs, ce dernier n’est même pas trop fréquenté comparativement au fort Jacques vu que les routes sont en piteux état.
Quant aux visiteurs, surtout les haïtiens, ils s’accordent à considérer les forts Jacques et Alexandre comme une preuve que l’empereur Jean Jacques Dessalines a voulu mener le pays au bon port. Ils vantent le génie de Dessalines, sa vision et sa bravoure. Mais il semblerait qu’ils n’ont pas appris la leçon d’unité nationale et de fraternité qu’enseignent ces forts. Bien évidemment, cette appropriation du parc par les haïtiens est l’œuvre de l’éducation reçue à travers nos écoles, fabriquée par nos élites pour effacer la mémoire du chemin tracé par nos aïeux. Ce point pourra faire l’objet d’un autre travail.
Ressources et potentialités de ce parc

Les composantes du parc offrent des ressources qui se situent à une triple dimension: historique et archéologique, naturelle et géographique, enfin socioculturelle. Les forts symbolisent le dispositif défensif mis en place après l’indépendance pour contrecarrer un éventuel retour des français. D’un autre côté, le potentiel archéologique du parc est très démonstratif. Car, le site renferme des objets identitaires du peuple haïtien et l’assemblage militaire de l’armée triomphante. Des pièces d’artillerie, des boulets, des canons, l’architecture et le positionnement des forts peuvent nous renseigner sur la civilisation de nos aïeux et leur compréhension de la sécurité du pays vue sur l’angle extérieur.

Ce parc, de par son altitude, a une température agréable. Il possède une flore et  une faune formidables. En plus, ce parc permet d’avoir un regard panoramique sur la plaine du Cul-deSac et la ville de Port-au-Prince, mais aussi sur le plateau de la Coupe-Charbonnière, ce qui lui confère un attrait naturel exceptionnel qui impressionne les visiteurs dès leur arrivée. Qui plus est, les habitants des zones environnantes du parc propagent, depuis belle lurette, des traditions orales, des faits non diffusés par l’historiographie, sous formes de récits historiques en rapport aux forts. Ces lieux traduisent une mémoire nationale, prennent acte et participent à la construction d’un lien symbolique fort, d’un rapport social au passé et d’une identité collective, comme c’est le cas pour le parc national historique : Citadelle, Sans-Souci, Ramiers démontré par Kenrick Demesvar (2010. 81-83).

Pour une meilleure interprétation de ces forts
Pour chaque axe du triplet que nous venons d’élucider, les Autorités doivent définir un itinéraire spécifique que doivent parcourir les visiteurs avec des brochures en main accompagnés des guides bien formés . En plus, les Responsables doivent doter le parc d’un dispositif de sécurité, d’une structure administrative et des personnels d’entretien. Il devrait y avoir aussi un espace d’accueil dotant des infrastructures de base. Ces dernières pourraient être construites à l’ancienne (maisons en chaume et en toiture de paille, bancs en bois,..). De surcroît, les
Responsables devraient faire en sorte d’insérer les communautés locales dans la gestion du site pour emprunter la voie du tourisme durable et les encourager à venir exposer les produits artisanaux en rapport au site et vendre des mets créoles. Ils devraient encourager également sur le site des mises en scène, des musiques, des danses, des théâtres et poésies libres utilisant des tenues vestimentaires et des objets traditionnels. Et, l’espace devrait avoir un coin réservé aux jeux traditionnels. Aussi, les Autorités devraient placer sur tout le périmètre du parc des panneaux d’interprétation et des extraits audio de musiques traditionnelles et des traditions orales diffusées en rapport au parc. À côté de ça, les Gestionnaires du site devraient mener des évaluations avant, pendant et après la visite auprès des visiteurs pour recueillir leurs appréhensions concernant les services espérés ou reçus. Le parc devrait avoir également un centre de documentation et un site web sur lequel sont affichés des plans de chacun de ses circuits. Pour en finir, les Autorités doivent mettre sur pied une stratégie de marketing pour le parc en leur référant aux directives du modèle des 5 M.
Dialectique conservation ou restauration et enjeux de la patrimonialisation de ces lieux

Est-ce qu’on doit garder l’architecture pionnière du patrimoine dans un esprit d’authenticité, mais qui risque de dégrader au bout d’un certain temps sous l’effet des aléas naturels ou de la pression démographique sur l’environnement ? Ou doit-on l’aménager avec des techniques modernes lui permettant de faire face au séisme et au glissement terrain, mais en enlevant un peu de son originalité ? En nous inspirant de la thèse doctorale de Mathieu Tanguay, on retient l’hypothèse d’une médiation entre ces deux approches rivales. L’une a besoin de l’autre.

L’autre point, c’est que cette revalorisation n’est pas possible avec cette forme d’État étant donné les enjeux liés à la patrimonialisation de ces lieux de mémoire. En effet, ces derniers, étant une marque de la culture et de l’identité existentielle du peuple haïtien, revendiquent le vodou qui est pourtant, depuis des générations, rejeté par l’État haïtien. Ensuite, en copiant la leçon du vivre-ensemble léguée par les héros de notre indépendance, nos compatriotes pourraient se battre autour d’un consensus national pour construire une société plus juste et plus conforme à l’idéal dessalinien tout en remettant en question la position dominante des élites dirigeantes.

Cependant, vu la manne économique qu’obtiennent ces espaces, les Dirigeants doivent les revaloriser dans l’intérêt de promouvoir le tourisme, même s’ils ne le feraient pas malheureusement dans un souci mémoriel des luttes menées pour renverser le système colonial esclavagiste.

Si on ne peut pas compter sur l’État pour revaloriser ces lieux, la question à se poser maintenant c’est: Comment les communautés locales, sans l’appui de l’État central, peuvent valoriser et structurer le parc comme une destination touristique au regard de la façon dont les jacméliens, les léogânais et les gonaïviens ont respectivement procédé à la valorisation et à la structuration du carnaval, du rara et du vodou comme étant l’attrait touristique de leur ville ?

Jonathan Gédéon, étudiant finissant en Sciences Économiques et en Sciences Comptables.

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